Le docteur Basset
Direction générale de la santé
Ministère de la Santé et des Solidarités
Objet : concertation sur l’avant-projet du décret d’application de l’art. 52
Paris, le 5 février 2006
Monsieur,
Le Cercle freudien, association de psychanalyse fondée en 1981, souscrit au texte commun élaboré par les associations psychanalytiques représentées au Groupe de contact, et porté à la connaissance du Syndicat national des psychiatres d’exercice privé, du Syndicat national des psychologues et des universitaires regroupés au sein du SIUEERPP.
Une copie contresignée de ce texte est jointe à cet envoi.
Nous souhaitons y ajouter quelques remarques.
1) Les psychanalystes avaient tous émis des réserves sur la possibilité de définir, a fortiori de réglementer la psychothérapie.
Ils ont accepté les termes de l’article 52, qui vise à protéger les « usagers » du soin psychique. De notre point de vue, cet article comporte trois points importants qui concourent à la protection des patients :
- il requiert des praticiens une formation sérieuse en psychopathologie,
- il ne statue pas sur les méthodes de psychothérapie, à juste titre, car beaucoup en cette matière dépend de l’engagement personnel du praticien - et du patient,
- il reconnaît la spécificité de la psychanalyse et la nécessaire autonomie de ses structures.
2) Eu égard à ces trois points, nous attirons l’attention des rédacteurs de l’avant-projet sur un passage de l’article 2 qui est de nature à tromper les usagers.
Il s’agit du paragraphe II, concernant les « autres professionnels ». La troisième condition d’inscription mentionne la « psychothérapie analytique ». Cette mention ne convient pas à cet endroit, car le terme de psychothérapie psychanalytique, depuis qu’il existe, n’a jamais désigné qu’une variante de la pratique psychanalytique. Une « psychothérapie » ne peut être dite psychanalytique que si elle est pratiquée par un psychanalyste.
L’orientation analytique dans l’usage du titre de psychothérapeute est donc à sa place au paragraphe I, exclusivement.
Si la mention « analytique » était maintenue au paragraphe II de l’article 2, elle viderait le paragraphe I de son contenu. Car les usagers qui veulent s’adresser à un psychanalyste, quel que soit le traitement qu’ils en attendent, ne doivent pas être induits en erreur par des textes officiels.
3) En ce qui concerne l’inscription (articles 2 à 6) :
- Une inscription purement administrative nous paraît difficilement réalisable, étant donné la complexité du champ. Une instance de recours compétente ne devrait-elle pas pouvoir statuer sur les cas incertains ?
- Le délai de deux ans d’interruption de la pratique à l’issue duquel une réinscription est nécessaire est trop court. Un délai nettement plus long serait plus adapté à ces pratiques.
- Si l’extrait annuel de la liste départementale mentionné à l’art. 6 est comme nous le croyons à usage public, il devrait mentionner les orientations des praticiens en psychothérapie.
4) En ce qui concerne les conditions théoriques et pratiques de la formation en psychopathologie (art. 7), il nous paraît qu’une place large devrait être faite aux acquis de l’expérience, par un système d’équivalences ou par leur validation universitaire, car la psychopathologie s’apprend d’abord sur le terrain. Le Cahier des charges devrait en conséquence être défini en accord avec des universitaires et des praticiens.
Il importe que la formation en psychopathologie remplisse son rôle.
Espérant par ces remarques contribuer effectivement à la concertation, nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de notre profonde considération.
Pour le Cercle freudien
La présidente, Danièle Lévy
La vice-présidente, Andrée Lehmann
Jean-Pierre Lehmann, ancien président
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Observations sur le texte de l'avant-projet de décret relatif à l'usage du titre de psychothérapeute
I . L’article 52 de la loi impose la nécessité d’une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique. L’extension à la formation en psychothérapie, visée par le décret dans les articles 2. II et 8 du projet est contestable.
II . La formation en psychopathologie clinique devrait être confiée explicitement et exclusivement à l’Université, plus précisément aux équipes pédagogiques et aux laboratoires de recherche en psychopathologie clinique.
III . L’article 8 appelle trois objections majeures :
1. L’Article 52 de la loi précise qu’un décret définira « les conditions théoriques et pratiques en psychopathologie clinique ». L’extension aux contenus de la formation en psychopathologie et en psychothérapie, inscrite dans le projet de décret, excède le texte de la loi et appelle des objections.
2. Le contenu théorique et pratique des formations en psychopathologie est du ressort exclusif des spécialistes compétents de la discipline. L’État n’a compétence ni pour intervenir au niveau des contenus de savoirs ni pour en décréter la valeur scientifique.
3. Les théories et pratiques dans le champ de la psychopathologie sont multiples et en évolution constante. Réglementer à partir de l’état présent constituerait un facteur d’immobilisme contraire à l’esprit et au travail scientifiques.
3 février 2006