Groupement synfical des praticiens de la psychologie-psychothérapie-psychanalyse en exercice libéral (PSY'G)
E-mail :
psy-g@wanadoo.frLe 11 Février 2006,
Le Comité Directeur du PSY'G
à Monsieur Bernard BASSET, Sous-Directeur "Santé et Société"
Concerne l'avant-projet de décret (1ère version) du 10 janvier 2006 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute.
Monsieur,
Comme convenu, veuillez trouver le document préparatoire à la réunion du 21 février 2006 donnant la position et les propositions sur l'avant-projet de décret (1ère version) de notre syndicat qui s'est réuni en assemblée générale le 29 janvier 2006.
1) Nous rappelons que le PSY'G, syndicat professionnel fondé il y a quarante ans :
- regroupe :
. des psychologues, des psychothérapeutes, des psychanalystes exerçant la psychothérapie et la psychanalyse en pratique libérale,
. a pour objet l'étude et la défense des droits, des intérêts matériels, économiques, moraux et sociaux de ses membres.
- qu'il est :
. membre fondateur et membre du comité directeur de l'Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL), confédération syndicale des professionnels en exercice libéral,
. membre fondateur et administrateur du Fonds Interprofessionnel de Formation des Professionnels Libéraux (FIF-PL).
2) Notre syndicat depuis quatre décennies a effectué un important travail sur la formation, les méthodes, les pratiques et la déontologie du praticien de la psychothérapie quel que soit son titre professionnel initial de psychologue, de psychothérapeute, de psychanalyste (code de déontologie, commission formation, commission nationale d'agrément de praticien de la psychothérapie, ...).
Ainsi le PSY'G considère que "l'usage du titre de psychothérapeute" ne peut être attribué qu'à des professionnels ayant une formation, réelle et complète, comprenant les trois volets indissociables suivants :
. une formation en psychopathologie clinique,
. une formation approfondie dans au moins une technique de psychothérapie,
. un travail personnel psychanalytique ou psychothérapique d'au moins 300 heures.
.../...
3) Par ailleurs, nous regrettons que l'avant-projet de décret n'ait été remis aux participants de la réunion du 10 janvier 2006 qu'en cours de séance. Ceci a pour effet de n'avoir pu entamer à ce jour la concertation. La réunion du 21 février devant être la dernière, ce qui nous surprend, nous considérons que ce programme de concertation réduit sera très insuffisant étant donné les nombreuses difficultés que le texte soulève.
4) Nous avons réuni l'Assemblée Générale de notre syndicat le 29 janvier 2006 afin de recueillir la réaction de nos membres, et développer la réflexion commune sur l'avant-projet de décret.
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ANALYSE DE L'AVANT-PROJET DE DECRET
Ci-dessous l'analyse des articles 1, 2, 8, 10.
ART. 1 – "L'usage du titre de psychothérapeute nécessite une démarche volontaire de la part de professionnels pratiquant les psychothérapies"
La rédaction de cet article entend que les professionnels concernés doivent déjà pratiquer les psychothérapies (à quel titre, avec quelle formation ?).
ART. 2 -
a) Au I, il manque concernant les détenteurs du "diplôme de docteur en médecine ou de l'un des diplômes visés au décret n° 90-255" (autorisant l'usage du titre de psychologue) :
- une formation en psychothérapie,
- et un travail personnel psychanalytique ou psychothérapique, (deux conditions que les psychanalystes, pour leur part, remplissent) ;
b) Au II, nous souhaitons avoir des éclaircissements sur :
- le deuxième alinéa concernant "le diplôme relatif à une profession réglementée dans le champ sanitaire et social" ainsi que sur le sens de l'expression "le cas échéant" ;
- le troisième alinéa :
. pourquoi une attestation "sur l'honneur" ? Nous demandons la présentation des attestations des organismes de formation ;
. nous souhaitons des explications sur le choix qui a été fait concernant les quatre approches retenues (analytique, systémique, cognitivo-comportementaliste, intégrative), ce qu'elles englobent, sachant notamment que la psychanalyse n'est pas nommée.
ART. 8 -
- Aux 1er, 2ème et 3ème alinéas : il ne revient pas à l'Etat de définir le contenu de la formation en psychopathologie,
- Au 4ème alinéa : "une connaissance des quatre principales approches de psychothérapie validées scientifiquement",
. cette disposition intégrée à la formation en psychopathologie clinique est non fondée,
. la formation à la psychothérapie doit faire l'objet d'un article spécifique,
. cette disposition ne constitue pas, telle qu'elle est rédigée, une formation à la psychothérapie,
. on ne peut admettre, en effet, le mot "connaissance". Nous exigeons une formation réelle dans au moins une technique psychothérapique, étant entendu qu'une connaissance livresque de quatre approches ne peut permettre l'usage du titre de psychothérapeute et la pratique,
. une définition des quatre approches de psychothérapie doit être établie préalablement,
. validées "scientifiquement" est non fondé, aucune validation scientifique n'existant en ce domaine.
.../...
ART. 10 –
Au I,
- nous souhaitons des explications sur la "formation complémentaire adaptée", et sur "dans le cadre de la formation continue",
- nous n'admettons pas que soit possible une inscription "à titre temporaire" à la liste départementale de professionnels non formés.
Au II,
- cette rédaction, si elle était adoptée, ouvre inévitablement la porte à des dispositions inacceptables telles que celles mises en place pour l'application des mesures transitoires figurant à la loi de 1985 relative à la réglementation de l'usage du titre de psychologue.
REMARQUES
Comme de nombreux professionnels nous le font remarquer depuis l'adoption de l'article 52 de la loi du 9 août 2004, les objectifs de la loi ne peuvent pas être atteints et le projet de décret, s'il était adopté, ne ferait que concrétiser cette situation,
ainsi :
- la lutte contre les personnes insuffisamment formées :
Cet avant-projet amènerait à attribuer réglementairement le titre de psychothérapeute à de nombreuses personnes, certes diplômées en psychopathologie clinique, mais qui n'auraient, par contre, aucune formation en psychothérapie. Ce qui est un comble, et suscite de nombreuses protestations des professionnels. Ainsi, le texte de loi ayant omis la formation en psychothérapie, l'avant-projet de décret fond la "connaissance" à la psychothérapie dans la formation à la psychopathologie clinique, ce qui est inapproprié.
- la lutte contre les sectes :
Cet avant-projet est une aubaine pour les sectes puisqu'il permettrait, avec une formation de psychothérapeute particulièrement incomplète (une seule formation en psychopathologie clinique) de faire usage du titre. Donc, de valider de fait la pratique quelle qu'elle soit par ce titre professionnel.
Car le raisonnement qui mène à penser que l'adoption et l'officialisation de quatre approches en psychothérapie éviteraient les pratiques douteuses est particulièrement erroné.
Car ce n'est pas "l'étiquette" de l'approche psychothérapique qui vaut, mais "l'éthique", c'est-à-dire la façon de pratiquer les techniques ainsi que les éventuels objectifs "thérapeutiques" visés par le professionnel.
Aucune administration de l'Etat ne pourrait contrôler la pratique d'un professionnel autorisé à faire usage du titre de psychothérapeute, sachant que chaque praticien exerce en ce domaine selon ses propres modalités et en fonction de sa démarche professionnelle et personnelle, de son expérience, de son savoir, de sa culture et de ses capacités propres.
C'est ce qui fait d'ailleurs la richesse de la pratique de la psychothérapie, c'est ce qui est apprécié par le public qui ne souhaite pas faire appel à des psychothérapeutes sortant d'un même moule, mais qui exige par contre des professionnels réellement formés à la psychothérapie et ayant effectué un travail personnel, ce que le texte de l'avant-projet de décret ne propose même pas.
Seuls les syndicats et les organisations professionnelles peuvent auto-réguler la pratique de la psychothérapie, en toute connaissance de cause, parce qu'ils sont sur le terrain, proches des praticiens et du public.
.../...
- Autres effets pervers :
Cette réglementation :
. mettrait à mal l'usage du titre de psychanalyste qui reste non réglementé, donc accessible à toute personne qui se verrait refuser l'usage du titre de psychothérapeute,
. officialiserait, notamment dans le secteur libéral, une profession de psychothérapeute, ce que refuse le PSY'G (cependant déjà listée depuis plusieurs décennies par les organismes fiscaux et sociaux), qui affaiblirait le titre de psychologue, amenant d'ailleurs de nombreux psychologues exerçant la psychothérapie à délaisser ce titre pour faire usage de celui de psychothérapeute,
. ouvrirait un processus de psychiatrisation de la psychothérapie et de constitution d'une psychothérapie d'Etat,
. créerait une situation non cohérente : la plus grande partie des personnes autorisées à faire usage du titre de psychothérapeute serait très insuffisamment formée et beaucoup moins, ce qui est un comble, que celles exerçant aujourd'hui la psychothérapie sous le contrôle des syndicats et des associations professionnels.
Ainsi, pour exemple, le PSY'G exige de ses membres :
en plus de la formation de psychothérapeute à trois composantes essentielles, que nous rappelons :
- formation en psychopathologie clinique,
- formation en psychothérapie,
- travail psychanalytique ou psychothérapique personnel,
une qualification par un agrément professionnel obtenue par :
- une reconnaissance de la pratique par les pairs,
- une supervision ou contrôle de la pratique,
- une obligation de formation continue,
- la justification d'au moins cinq années d'exercice de la psychothérapie,
- et après un entretien avec les membres de la commission d'agrément de praticien.
EN CONCLUSION
Cet avant-projet, pas plus que l'article 52 de la loi qu'il cherche à appliquer, ne concerne pas la réglementation de l'usage du titre de psychothérapeute.
Texte inapproprié, inadéquat, il concerne un autre titre et une autre activité professionnelle à déterminer.
Comme nous le savons, l'activité de psychothérapeute s'est constituée en plusieurs décennies.
Au fil de la pratique des techniques et méthodes du champ de la psychothérapie, à la faveur de l'expérience acquise par ses praticiens, s'est ouvert un espace distinct de la médecine et de la psychologie qui par ses règles de formation et d'exercice répond de toute évidence à la demande du public.
.../...
Ce serait réellement très préoccupant pour notre société si, par un texte de loi inadapté, le titre de psychothérapeute était détourné et récupéré pour atteindre des objectifs qui ne concernent ni la psychothérapie, ni les professionnels, ni les utilisateurs.
Pour résumer :
- Peut-on continuer à ignorer les règles de formation et de pratique existantes et appliquées par des milliers de professionnels de la psychothérapie au bénéfice du public ?
- Est-il possible de continuer à vouloir légiférer sans les connaissances technique et l'avis des professionnels ?
- Mesure-t-on la régression que représente dans tous les domaines la tentative d'application de l'article 52 de la loi ?
- Peut-on admettre que, non seulement l'on ne protègerait pas le public, mais qu'il serait exposé et confronté à des "psychothérapeutes" non formés à la psychothérapie, mais néanmoins reconnus par l'Etat ?
- Peut-on concevoir que l'on ouvre et offre, aussi facilement et officiellement, le champ professionnel de la psychothérapie par un titre réglementé de psychothérapeute dont des adeptes des organismes sectaires pourront se parer aisément ? Ainsi les méthodes de ces organismes, éventuellement renommées et intégrées sans difficulté aux approches retenues par le décret (qu'elles soient analytiques, systémiques, cognitivo-comportementalistes, intégratives, …), pratiquées par des psychothérapeutes au titre réglementé, deviendraient inattaquables.
- Enfin, évalue-t-on le malaise, qui se réactive depuis la parution de l'avant-projet de décret, des professionnels de la psychothérapie (quel que soit leur titre), confrontés au saccage depuis plusieurs années de leur image, de leurs pratiques, de leurs compétences ?
Ce malaise s'étend actuellement puisque nous recevons depuis plusieurs jours de nombreuses réactions négatives concernant l'avant-projet de décret, issues d'organismes de professionnels, d'universitaires, d'enseignants et étudiants en psychologie, ceux-ci souhaitant organiser une manifestation nationale.
Les praticiens du PSY'G souhaitent pour leur part le retrait de cet avant-projet.
Ils demandent qu'une concertation soit mise en place afin que les professionnels concernés puissent continuer de proposer et décider de l'avenir et de l'évolution de leur exercice professionnel, de son organisation et des garanties qu'il peuvent offrir au public au moyens de leurs organisations professionnelles représentatives.
Le Comité Directeur du PSY'G.