ESPACE ANALYTIQUE
12 rue de Bourgogne
75007 Paris
Paris, le 8 février 2006
À Monsieur le Docteur Bernard Basset
À Madame Marine Nouvion
Objet : Remarques sur l’Avant-projet de décret relatif à l’usage du titre de psychothérapeute
Monsieur, Madame,
Espace analytique, fondé par Maud Mannoni, est une association de psychanalyse qui assure la formation et l’habilitation de ses membres. Elle compte actuellement plus de huit cents membres appartenant à diverses catégories.
Nous voulons rappeler tout d’abord que nous avons toujours été opposé à une réglementation de la psychothérapie. Pour l’heure, nous voulons d’abord attirer votre attention sur le constat suivant : de l’objet initial de l’amendement Accoyer – prévenir les dérives sectaires – on est passé insensiblement à une forme de plan Santé mentale avec la création éventuelle d’une « sous-profession de soin », par le passage de l’usage du titre de psychothérapeute à celui de statut de psychothérapeute. Dérive prévisible avec le rapport Piel-Roelandt de juillet 2001, « De la psychiatrie à la santé mentale ».
Cela risque d’atteindre de plein fouet le statut du psychologue clinicien, ce à quoi les psychologues sont très vigilants.
Cela risque également de mettre en cause l’unité de l’acte psychiatrique unifiant dimension psychothérapique et pôle médical, unité à laquelle sont très sensibles les psychiatres.
De l’article 52, dont l’objet vise la protection du public, nous retenons que :
- il requiert une formation sérieuse en psychopathologie ;
- il reconnaît la spécificité de la psychanalyse et la nécessaire autonomie de ses structures de formation, qui ne peuvent relever que partiellement de l’Université.
Par conséquent, en accord avec le Groupe de Contact où nous sommes représentés, nous proposons les modifications suivantes :
I . L’article 52 de la loi impose la nécessité d’une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique. L’extension à la formation en psychothérapie, visée par le décret dans les articles 2. II et 8 du projet est contestable.
II . La formation en psychopathologie clinique devrait être confiée explicitement et exclusivement à l’Université, plus précisément aux équipes pédagogiques et aux laboratoires de recherche en psychopathologie clinique.
III . L’article 8 devrait être modifié car il appelle trois objections majeures :
1. L’Article 52 de la loi précise qu’un décret définira « les conditions théoriques et pratiques en psychopathologie clinique ». L’extension aux contenus de la formation en psychopathologie et en psychothérapie, inscrite dans le projet de décret, excède le texte de la loi et appelle des objections.
2. Le contenu théorique et pratique des formations en psychopathologie est du ressort exclusif des spécialistes compétents de la discipline. L’État n’a compétence ni pour intervenir au niveau des contenus de savoirs ni pour en décréter la valeur scientifique.
3. Les théories et pratiques dans le champ de la psychopathologie sont multiples et en évolution constante. Réglementer à partir de l’état présent constituerait un facteur d’immobilisme contraire à l’esprit et au travail scientifiques.
Nous souhaitons ajouter :
- Dans l’article 2, I et l’article 7, en ce qui concerne les psychanalystes, il faut insister sur les acquis de l’expérience dans l’exercice de la psychanalyse, ce qui ne relève pas de l’université, mais éventuellement d’une commission mixte paritaire (professionnels-universitaires).
- Dans l’article 2, II, alinéa 3, nous proposons la formulation suivante : « Une déclaration sur l’honneur faisant état des formations et des pratiques dans le champ des psychothérapies telle qu’une commission mixte paritaire pourrait les valider. »
Peut-être n’est-il pas superflu de noter que, pour définir la psychothérapie à l’Académie de médecine, le rapport Pierre Pichot – Jean-François Allilaire (du 1er° juillet 2003) retenait la psychanalyse et quatre autres formes de psychothérapie !
Il n’appartient pas au ministère de fixer une liste de psychothérapies, sans risque d’arbitraire.
Je vous prie de croire, Monsieur, Madame, à l’assurance de ma profonde considération
Le Président d’Espace analytique
Docteur Patrick Landman