(Extrait de Fédérer n°14, février 2006)
EXPLICATION DE TEXTE DES POSITIONS ET PROPOSITIONS DE LA FFPP
(suite à la proposition du document de travail de l’avant projet de décret relatif à l’usage du titre de psychothérapeute)
Les objectifs de l’article 52 étaient de protéger le public des dérives possibles actées par les prises en charge psychothérapiques effectuées par des autoproclamés.
Cet article qui venait après bien d’autres, acte comme incontournable la qualification en psychopathologie comme pré requis à toute démarque professionnalisante de psychothérapeute.
Nous sommes là dans l’énoncé d’un discours, celui de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et pour ce qui nous concerne l’article 52 de la dite loi.
Le projet de décret d’application, proposé le 10 janvier 2006 (consultable dans son intégralité sur le site de la FFPP
www.ffpp.net) relève lui de l’énonciation de la dite loi. Personne ne sera surpris que l’exégèse de l’avant projet de décret par les représentants des principales associations de psychanalystes, psychothérapeutes, psychologues et psychiatres, amène à des positions contradictoires.
La position de la FFPP porte sur la place des psychologues, fortement attaquée dans l’énonciation proposée par les rédacteurs du décret, et sur la protection du public puisque au bout du compte, à la lecture de l’avant projet, aucune garantie réelle n’est dégagée.
Les propositions faites par la FFPP au terme d’un débat du conseil d’administration fédéral (CAF) où est représentée la profession telle qu’elle se décline en France, avec ses différences, ses particularités, ses points d’achoppement, ont toutefois convergé vers la défense de notre spécialité, notre identité de psychologue, mises à mal dans la rédaction de ce décret. Puisque sans le dire, il s’agit bel et bien de l’introduction d’une nouvelle profession qui au-delà de notre profession et discipline, touche à la liberté individuelle de tous citoyens.
Le CAF a constaté que le texte proposé par le ministère appelait un certain nombre de précisions et de modifications.
La FFPP a donc demandé : Que la référence aux professions du champ sanitaire et social soit supprimée.
Extrait du projet : section 1 : le registre national de psychothérapeutes, article 2 : l'enregistrement des autres professionnels :
- Citation :
- "Le cas échéant, l'attestation de l'obtention d'un diplôme relatif à une profession réglementée dans le champ sanitaire et social"
En effet cette proposition ne correspond pas aux prérequis de la formation en psychopathologie clinique.
Le risque de création d’une profession concurrente à celle de psychologue est grand. Malgré les dénégations du ministère qui dit ne pas vouloir créer une nouvelle profession, nous n’avons pas oublié que dans une entrevue précédente Monsieur Brunelle nous avait affirmé avec insistance qu’il fallait dans les hôpitaux des psychologues et des psychothérapeutes. Il n’y a qu’à reprendre les propositions du rapport « de la psychiatrie vers la santé mentale » (consultable sur le site du ministère de la santé) qui envisageait déjà en 2002, pour pallier la pénurie des psychiatres, un accès au titre de psychothérapeute aux professionnels de santé tels que les infirmiers en l’élargissant même aux travailleurs sociaux.
Le schéma consistant à partir de « une profession réglementée dans le champ sanitaire et social » (article 2) d’ajouter un DU que l’on situera au niveau master, et nous assistons à la création de cette nouvelle profession réglementée. Nous n’avons pas oublié les différentes lectures des plans santé mentale des dernières années, et la place que l’on souhaitait donner aux psychologues.
Faut-il rappeler que dans ce secteur de la santé où le chômage sévit de manière dramatique chez les psychologues, ajouter des psychothérapeutes n’arrangerait rien, si ce n’est pour les finances de l’état avec l’entrée dans le champ de la santé d’une nouvelle catégorie professionnelle.
Il n’est pas précisément explicité dans le document de travail que cette formation à la psychopathologie serait du domaine de l’université. On imagine sans mal que ce n’est pas pour rien, nous sommes là dans une notion de territoire lourde d’enjeux.
Qui a une formation en psychopathologie clinique et un master : les psychologues.
Où se fait la formation des psychologues, dans les UFR de psychologie. Pourquoi ne pas le dire clairement ?
L’article 7 est rédigé de la manière suivante :
Extrait du projet : Section 2 : la formation minimale commune théorique et pratique en psychopathologie clinique pour user du titre de psychothérapeute :
- Citation :
- "Article 7 : en application du dernier alinéa de l'article 52, les professionnels souhaitant user du titre de psychothérapeute doivent avoir validé une formation théorique et pratique n psychopathologie clinique conforme au cahier des charges fixé par arrêté des ministres de la santé et de l'enseignement supérieur."
Il n’est précisé nulle part que la formation relève de la responsabilité de l’université et seulement de l’université.
Nous demandons donc que soit clairement exprimé ce qui suit.
Que la référence à la formation universitaire en psychopathologie clinique soit explicite dans le texte, afin de garantir la pluralité des approches,
(article 7)
De plus, le flou de la rédaction de cet avant-projet du décret d’application à la référence universitaire permet un partenariat de l’université avec les sociétés privées de psychothérapie, porte ouverte à une formation à la psychothérapie, à une technique psychothérapique, dispensées à l’université et avec sa caution.
C’est une solution facile à mettre en place, il suffit de créer des diplômes universitaires, où des formations privées passeront convention avec l’université et le tour est joué.
D’où l’inscription dans le décret de l’obligation d’un master ou d’un diplôme en médecine, (encore que ce dernier appelle quelques précisions sur lesquelles nous reviendrons plus loin.)
Reste à préciser le niveau requis, une fois posé le cadre universitaire incontournable.
Et parler de niveau master n’est pas suffisant.
Il s’agit d’un master et non pas d’un niveau, et d’un master mention psychologie avec une formation en psychopathologie clinique.
Exiger cette formulation permet de laisser centrale la seule mesure contenue de droit dans l’article 52 qui est la formation à la psychopathologie. Et non pas l’introduction d’une nouvelle profession.
La proposition de l’article 8 est ambiguë :
Extrait du projet : section 2
- Citation :
- Article 8
Le cahier des charges susvisé définit les modalités de la formation en psychopathologie clinique, laquelle est d'un niveau master. Il vise à permettre au professionnel souhaitant user du titre de psychothérapeute d'acquérir..."
En précisant seulement niveau, l’ambiguïté joue à fond comme nous le précisions plus haut à propos des professions du champ sanitaire et social. Elle concerne également les médecins inscrits de droit sur les listes de psychothérapeutes. Or on nous répond que la formation ne peut pas se faire par un master parce que les médecins n’ont pour l’instant pas de master.
Restait à préciser le niveau exact de qualification requise pour cette formation.
La FFPP a donc demandé que soit rédigé de la manière suivante l’article 8, alinéa 1 :
« le cahier des charges susvisé définit les modalités de la formation en psychopathologie clinique. Pour les docteurs en médecine, celle-ci est acquise dans le cadre d’une spécialité de psychiatrie. Pour les autres catégories de professionnels, celle-ci est acquise dans le cadre d’un master. Le cahier des charges vise à permettre au professionnel souhaitant user du titre de psychothérapeute d’acquérir... » (suite inchangée).
Nous arrivons alors à la fameuse rédaction du cahier des charges qui a laissé perplexe un grand nombre des participants à la réunion.
Ce cahier des charges, puisqu’il vise à définir « la formation minimale commune théorique et pratique en psychopathologie clinique pour user du titre de psychothérapeute » est rédigé de la manière suivante.
Extrait du projet :
- Citation :
- "- une connaissance du fonctionnement psychique
- une capacité de discrimination de base des situations pathologiques en santé mentale
- une connaissance de la diversité des théories se rapportant à la psychopathologie
- une connaissance des 4 principales approches de psychothérapie validées scientifiquement (analytique, systémique, cognitivo-comportementale, intégrative)"
Les trois premiers tirets n’ont pas posé de problème particulier quant à la rédaction et au contenu, puisque déjà la FFPP s’était positionné sur ces prérequis d’une formation à la psychopathologie, en s’alignant sur les masters existants et de la responsa- bilité des UFR de psychologie.
Le Ministère de la Santé justifie cette énumération par la nécessité de la lutte contre les sectes, mais une référence claire à une formation universitaire et à un master élimine ce problème.
La FFPP n’a pas jugé recevable le quatrième tiret pour les raisons suivantes :
Cette définition limitative de quatre approches est un facteur d’immobilisme préjudiciable à la liberté individuelle, contraire à tout esprit scientifique.
Toutefois l’idée de pluralité est une idée forte au sein de la FFPP, et c’est pour cette raison qu’elle ne s’est pas opposée à la rédaction comme telle du tiret 3. Nous savons bien que la pluralité des orientations théoriques au sein des UFR de psychologie est un point d’achoppement au sein des organisations, essentiellement dans celles qui regroupent les universitaires. Si nous voulons « garder la main » sur ces masters psychopathologie clinique il faudra alors qu’ils répondent au cahier des charges du titre de psychothérapeute, et prendre en compte la pluralité des orientations. Nous proposons donc que le quatrième tiret de cet article 8 soit rédigé de la manière suivante :
« une connaissance de la diversité des théories se rapportant à la psychothérapie. »
Reste l’article 10 qui concerne les dispositions transitoires appelé plus communément clause du grand-père.
Cette mesure est envisagée comme une simple formalité, puisque les psychothérapeutes déjà en exercice et ne répondant pas aux critères du troisième alinéa de l’article 52, pourront se faire enregistrer sur une liste temporaire s’ils justifient de au moins cinq années d’expérience professionnelle en qualité de psychothérapeute. Ils devront alors se former selon les conditions re- quises avant le 1er janvier 2009.
La FFPP demande que ces inscriptions sur les listes provisoires le soient dans le cadre de commissions régionales composées de psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, psychanalystes. Là encore la protection du public a conduit la FFPP à cette proposition.
Nous demandons donc que soit rajoutée à l’article 10, avant le dernier alinéa, la rédaction suivante :
« des commissions régionales d’habilitation dont la composition et le fonctionnement seront fixées par arrêté des ministres chargés de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche seront mises en place pour juger de la recevabilité de la candidature des personnes ayant une pratique. Ces commissions travailleront sur la base de critères définis nationalement en concertation avec les organisations professionnelles. »
Brigitte Guinot