Bonjour,
Je souhaite informer la coordination que les associations et collectifs étudiants sont invités par Alain Abelhauser et Roland Gori au colloque du SIUEERPP qui se déroule le 20 et 21 mai à Paris à l'occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Freud. Je joins à ce message l'argument du colloque, le programme et l'argument de Marie-Jean Sauret concernant la table ronde estudiantine: "A l'école de la psychanalyse aujourd'hui". Ils ont souhaité faire intervenir des étudiants qui sont pour la défense de la psychanalyse. Si nous décidons d'orienter notre nouveau nom vers la liberté des pratiques psys, ça pourrait aussi coller pour que je demande à ce que la coordination intervienne, pour se présenter. Comment pourrait-on faire pour informer tout le monde et, si l'on décide d'intervenir, pour produire un texte ? De mon côté je produis un texte pour l'Ah Non !...
Benoît
VOICI L'ARGUMENT DU COLLOQUE ET LE PROGRAMME :
La psychanalyse est aujourd’hui la cible d’un procès qui ne relève ni
de la critique, ni de la résistance à son invention, mais de la
liquidation. À travers les médias, dans les institutions de la
recherche scientifique, dans l’université, dans le champ de la santé,
nous assistons à l’intensification d’une volonté massive et directe de
démolition qui ne s’embarrasse d’aucun moyen et n’épargne aucune des
figures représentatives du mouvement psychanalytique, à commencer par
Freud lui-même. La négation et l’avilissement des apports de la
psychanalyse ne craignent même plus d’assimiler ses pratiques et sa
discipline à une entreprise totalitaire et criminelle ! Face à ce
procès implacable, dont il est prévisible qu’il entend se poursuivre
jusqu’à l’éradication, quelle résistance les praticiens, les chercheurs
et les enseignants qui soutiennent l’exigence psychanalytique,
peuvent-ils opposer ? La gravité de l’enjeu nous dicte, bien entendu,
la défense de nos recherches et de notre enseignement, de ce que nous
considérons comme le corps d’une discipline, avec ses compétences, sa
profession, ses institutions. Mais la résistance requiert aussi et
surtout de nouvelles analyses, de nouvelles formes de ripostes, des
ouvertures d’horizons en alliance avec tous ceux qui partagent ces
inquiétudes et mesurent les contributions de la psychanalyse dans le
champ des savoirs, des pratiques sociales, culturelles et politiques.
Enfin, il est urgent de mettre en lumière les enjeux de cette volonté
de liquidation, appuyée sur des forces visant à l’instauration radicale
d’une « société de contrôle » dans laquelle les modes de subjectivation
individuelles et collectives soutenues par la psychanalyse n’ont plus
place.
Le 150ème anniversaire de Freud ne sera donc pas pour nous l’occasion
d’une célébration pieuse, mais celle d’un échange ouvert sur l’avenir
de la psychanalyse, ou mieux encore sur la psychanalyse à venir,
c’est-à-dire l’engagement d’une promesse et d’un désir pour la
psychanalyse. À cette fin, nous proposons deux temps de travail : lors
de la première journée, nous appelons à contribution les acteurs
d’autres disciplines qui partagent avec nous l’intérêt pour la
psychanalyse, les inquiétudes actuelles et le souci de son devenir.
Lors de la deuxième journée, nous faisons appel aux membres du SIUEERP
pour proposer leurs propres réflexions et les mettre en discussion avec
nos invités.
Fethi Benslama
Liste des invités du samedi :
Jean-Claude Ameisen / Étienne Balibar / Yves Cartuyvels / Franck
Chaumon / Dominique Deprins / Alain Grosrichard / Jean-Pierre Sueur /
Georges Vigarello
Samedi 20 mai 2006
Amphi Charcot – CHU La Pitié-Salpêtrière — Paris
9 h – 9 h 15 : accueil
9 h 15 – 9 h 30 : allocutions d’ouverture
(A. Abelhauser, F. Pommier, A. Sirota)
9 h 30 – 11 h : — Dominique Deprins
Professeur de probabilités et statistique, Bruxelles
La statistique, symptôme de la pensée hyper moderne : de la
causalité efficiente à la causalité psychique
— Jean-Claude Ameisen
Immunologue, Professeur à l’université de Paris VII, membre du
Comité consultatif national d’éthique
« Nous-même derrière nous-même, caché … » : la subjectivité
comme objet d’étude dans les sciences du vivant
discussion
11 h – 11 h 15 : pause
11 h 15 – 12 h 45 : — Georges Vigarello
Historien, EHESS, Institut Universitaire de France
Référence psychanalytique et histoire du corps
— Franck Chaumon
Psychanalyste, psychiatre des hôpitaux, Paris
La psychanalyse, avec la folie
discussion
12 h 45 – 14 h : déjeuner
VOICI L'ARGUMENT DE MJ SAURET
Se mettre à l’école de la psychanalyse…
Concrètement, c’est en se mettant, pour la première fois dans
l’histoire de la clinique, à l’école de ses patientes hystériques, que
Freud a recueilli la psychanalyse de leur bouche – en y mettant du sien
comme il convenait.. Répétons-le : la psychanalyse est le seul discours
(le seul lien social) qui considère l’autre comme un sujet ; la
clinique orientée par la psychanalyse est la seule qui maintienne
l’analysant dans la position de l’enseignant !
Seulement, à partir de quoi enseigne l’analysant ? Nous en avons une
idée plus précise depuis l’invention du dispositif de la passe par
Jacques Lacan. Ce dernier espérait ainsi en apprendre de quoi le
psychanalysant passé au psychanalyse déduisait le “ désir de
l’analyste ” qui lui permettait d’opérer. Et de fait, l’analysant
enseigne à partir de sa singularité, c’est-à-dire de ce qu’il est
d’irréductible à aucun savoir – que ce soit le savoir intime de son
fantasme, le savoir extérieur de la psychopathologie et même le savoir
construit par la psychanalyse (alors même que ce dernier est le seul à
prendre acte de ce ratage).
Et qu’enseigne-t-on à partir de là ? Dans la passe, chacun enseigne la
solution qui lui est singulière, donc, pour faire tenir ensemble le
langage (le symbolique) qu’il habite (autant qu’il le parasite), le
corps (l’imaginaire) qu’il en reçoit (distinct de l’organisme), la
jouissance (le réel) dont la fuite l’anime (non sans en récupérer des
bribes). Cette solution lie donc le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel
dont est fabriqué le sujet, mais elle les lie pour permettre au sujet
de s’inscrire dans un lien social qu’il renouvelle de sa présence,
viable pour lui et au moins pour quelques autres. C’est à ce niveau
faire enseignement de la découverte que rien ni personne ne répond à la
question de ce que le sujet est, pas plus qu’au problème (du sens) de
son existence – sinon le sinthome qu’il est. D’où le renoncement de la
psychanalyse à la psychothérapie précisément pour préserver
l’efficacité de son “ double ” nouage.
Il revient au psychanalyste, par fidélité envers celui qui l’enseigne
(dans la cure, dans la passe, dans le contrôle, dans la présentation
clinique) – par gratitude envers Freud, par devoir envers la communauté
des analystes et plus largement envers le lien social où il trouve à se
loger –, de confronter la solution singulière recueillie à l’universel
de la structure et de faire ainsi valoir la portée de cet enseignement
du sinthome – que Lacan n’a pas hésité à qualifier de
“ révolutionnaire ” ! Il lui revient, ainsi qu’à d’autres, de mobiliser
les ressources conceptuelles issues d’autres disciplines (linguistique,
logique, mathématiques, psychanalyse elle-même…) pour démonter, jusque
dans le champ de la culture, l’intérêt de l’hypothèse de l’inconscient
et l’existence du sujet de l’acte responsable de ce qu’il fabrique avec
ses déterminations.
Seulement, le psychanalyste qui passe à l’enseignant se trouve alors
dans l’obligation d’opérer à partir de ce qu’il a appris de sa propre
cure, c’est-à-dire de sa propre irréductibilité : soit en position
d’analysant. L’étudiant se retrouve mis en demeure de présentifier un
sujet supposé savoir que sa condition exclut de confondre avec un Autre
sachant.
La référence psychanalytique a contribué à l’avènement de la
psychopathologie clinique : on oublie souvent que Freud fut l’un des
premiers utilisateurs du terme psychopathologie (et d’ailleurs de celui
de psychologie clinique) (cf. sa Psychopathologie de la vie
quotidienne) Sans doute le terme de psychopathologie clinique devrait
être réservé pour désigner les savoirs constitués en respectant cette
double dimension : a) la clinique comme écoute de la singularité, l’une
après l’autre (et non pas observation, expérimentation,,
thérapeutique), b) la psychopathologie comme recueil et élaboration de
ce que le sujet fait de la souffrance qui témoigne de son rapport au
langage, au corps, à la jouissance. Le terme de psychopathologie
clinique est inapproprié aux disciplines qui récusent les processus
psychologiques en les référant à des mécanismes biologiques,
neurologiques, voire de conditionnement – à regrouper légitimement dans
la psychopathologie éclectique, l’anatomopathologie, la
neuropathologie, le behaviorisme, voire les neurosciences… Bien sûr
l’affaire se complique quand le gouvernement crée une
“ psychopathologie d’Etat ” au contenu épistémologiquement et
éthiquement inconcevable.
Pourquoi des étudiants se mettent-ils aujourd’hui à l’école de la
psychanalyse, notamment à l’université ? Pourquoi choisissent-ils de
soutenir la psychopathologie clinique et se mobilisent-ils aujourd’hui
pour défendre et soutenir l’orientation psychanalytique contre les
attaques idéologiques (le Livre noir), administratives (l’organisation
des études), politiques (la législation sur les psychothérapies) ? Il
y a une série de questions à laquelle j’aimerais bien obtenir un début
de réponse : que font-ils de ce qu’ils apprennent de la psychanalyse ?
Que leur est-il transmis ? Quel intérêt et quel enjeu y voient-ils pour
eux et pour le “ monde ” qui leur est légué ?
Toulouse le 20 janvier 2006
Marie-Jean Sauret