Paris, le 31 mars 2006
Pour défendre les usagers et les protéger du “péril sectaire“, l’État français a tenté, dans l’article 52 de la loi relative à la politique de santé publique d’août 2004, de définir les conditions “d’usage du titre de psychothérapeute“. Une procédure de concertation technique concernant l’avant-projet de décret d’application de cette loi vient de s’achever le 21 février dans une ambiance de contestation quasi unanime.
Le Séminaire Inter-Universitaire Européen d’Enseignement et de Recherche en Psychopathologie et Psychanalyse (SIUEERPP) et le Syndicat National des Psychologues considèrent que, non seulement les objectifs de l’article 52 ne pourront pas être atteints par les dispositions prévues dans ce projet de décret, mais surtout que celui-ci excède et détourne les buts de l’article 52 en instituant, par ce cahier des charges, une forme de « psychothérapie d’état ».
Celui-ci prévoit, en effet, que les professions réglementées de médecin et de psychologue, ainsi que les personnes ayant une activité de psychanalyste et de psychothérapeute, pourraient faire usage du titre de psychothérapeute à condition de justifier d’une formation minimale (« de niveau master ») en psychopathologie clinique.
L’avant-projet de décret suppose que cette formation sera de la responsabilité de l’université, bien que cela n’apparaisse pas explicitement dans le texte. Néanmoins, il lui assigne un “cahier des charges“ fixant et détaillant notamment les “4 principales approches de psychothérapie validées scientifiquement“ dont les impétrants devront “acquérir une connaissance“. Le Ministère de la Santé préconise ainsi une nouvelle formation “de niveau Master“.
Le SIUEERPP et le SNP rappellent que la formation en psychopathologie clinique existe à l’université depuis des dizaines d’années, qu’elle y est amplement validée et très largement reconnue sur le plan des débouchés professionnels, en particulier dans le champ de la santé mentale. Ils s’indignent donc d’un projet qui feindrait d’ignorer ainsi le travail accompli par la communauté universitaire française, que ce soit dans le cadre des études de psychologie ou dans celles de psychiatrie. Ils refusent que ces formations éprouvées soient échangées contre une nouvelle, aussi prétendument éclectique qu’irréaliste, et qu’aucun consensus scientifique actuel ne pourrait prétendre garantir, contrairement à ce qu’avance le projet de décret.
Ils rappellent également que le contenu théorique et pratique des formations en psychopathologie clinique est du ressort exclusif des spécialistes compétents de cette discipline. Et que, les théories et pratiques de la psychopathologie clinique étant en évolution constante, il serait précisément contraire à l’esprit scientifique que de vouloir les figer une fois pour toutes dans un décret de loi.
Enfin, bien que le Ministère de la Santé s'en défende, l'ensemble des professionnels craignent de voir émerger, avec la création de cette nouvelle formation “de niveau Master“, une nouvelle profession réduite à une instrumentalisation de techniques, susceptible de pallier la pénurie annoncée des psychiatres. Cette nouvelle formation est d’ailleurs déjà annoncée comme telle sur le site du Ministère de la Santé à la rubrique “Professions de santé“, malgré les dénégations répétées de la Direction Générale de la Santé lors des entrevues avec les organisations professionnelles.
Les plus directement menacés par cette perspective sont les psychologues, dont bon nombre pratiquent la psychothérapie, en choisissant librement leur orientation. Ils s'interrogent sur le risque représenté par cette loi que leurs employeurs exigent d’eux, ce nouveau titre de psychothérapeute, pour exercer la psychothérapie dans les institutions sanitaires et sociales. Les débouchés professionnels des étudiants en psychologie seraient ainsi gravement compromis et les psychologues mis directement en concurrence avec cette nouvelle catégorie professionnelle. Or, les facultés forment 3 000 psychologues par an et beaucoup sont confrontés à des difficultés d’insertion professionnelle, voire au chômage.
En conséquence de quoi, le SIUEERPP et le SNP demandent à ce que l’avant-projet de décret proposé soit retiré et que soit acceptée l'ouverture d'un authentique processus de concertation avec les professionnels concernés, conformément à ce que Monsieur le Ministre de la Santé a déclaré par voie de presse dans Le Monde du 23 février.
Roland GORI
Président du SIUEERPP
Alain ABELHAUSER
Secrétaire Général du SIUEERPP
Michèle CLEMENT
Secrétaire Générale du SNP
Philippe GROSBOIS
Responsable de la Commission « Psychothérapies » du SNP